Mais le jeûne n’est pas qu’un changement biochimique que l’on pourrait déclencher par quelque pilule. Il met en jeu beaucoup d’autres aspects, en particulier psychologiques ou même spirituels.

Résister aux incitations incessantes des spots publicitaires pour des plats préparés ou des sucreries est de l’ordre de l’héroïsme ! Dans notre société de consommation arrêter de consommer relève du boycott, de la rébellion ! Mais la rébellion est quelque chose de très positif en soi, c’est l’affirmation de soi. L’affirmation de sa propre responsabilité ! A la fin des jeûnes on voit sur le visage des participants une certaine fierté, fierté d’avoir tenu bon mais aussi fierté d’être redevenu maître de soi-même.

En effet ce n’est pas un soin que l’on reçoit, c’est une chose que l’on doit faire soi-même pour sa santé. Je ne peux pas jeûner pour quelqu’un d’autre. Ceci implique un engagement de la personne.

Prendre un médicament, c’est laisser une substance étrangère régler notre problème de santé, symboliquement c’est confier la responsabilité de nous guérir à un corps étranger. Mettre en œuvre des processus de guérison naturels n’est pas extérieur à soi c’est au contraire le moi intime qui entre en jeu.

Enfin bien sûr le jeûne est toujours une pause qui permet un redémarrage sur des bases différentes. Quand on a réussi à ne pas manger du chocolat ou ne pas boire du café ou simplement ne pas grignoter des sucreries toute la journée, on est capable de prolonger l’expérience en dehors du jeûne. Si l’on a réussi pendant une semaine, pourquoi ne réussirait-on pas plus tard ? Le jeûne apporte un recul par rapport à ses habitudes mais apporte aussi la preuve que le changement est possible et plus facilement réalisable qu’on le pensait.

C’est pourquoi le jeûne est beaucoup plus qu’un simple jeu biochimique.

Le jeûne n’est pas toujours une partie de plaisir. La désintoxication produit aussi des sensations peu agréables quand l’élimination est très forte, maux de tête, maux de ventre, malaises divers. Pendant le jeûne on ne prend pas de médicaments il faut donc supporter ces petits désagréments. Habituellement, au moindre malaise, on exige un soulagement immédiat. Pendant le jeûne, il faut supporter et patienter. Deux choses inhabituelles pour la plupart d’entre nous, mais qui nous ramènent à la réalité de notre corps. La privation de nourriture nous fait prendre conscience de notre corps et découvrir à quel point c’est une machine merveilleuse, mais nous fait prendre aussi conscience de sa fragilité et de sa vulnérabilité. L’absence de nourriture nous fait effleurer la mort pour mieux nous ramener à la vie. Ce thème mythologique se retrouve dans nombre de traditions. Jeûner est une catharsis.

Nourri différemment par les corps cétoniques, le cerveau travaille différemment. Les sens sont plus aiguisés, l’attention est plus présente, on est davantage dans la perception que dans ses pensées. L’organisme tend à limiter les dépenses inutiles d’énergie, par exemple la sexualité est indubitablement mise en veilleuse. Apparemment, il en est de même pour toute cette activité mentale inutile qui nous accompagne en permanence, laissant ainsi la place à une manière d’être que les jeûneurs expriment par calme, enthousiasme, euphorie, sérénité.

Le jeûne est un moment de rupture

Ce changement biochimique dans notre métabolisme facilite l’appréhension d’une dimension plus profonde de l’existence, que le stress et l’habitude de la vie quotidienne nous permettent peu de mesurer. Toutes les traditions spirituelles ont utilisé le jeûne pour aider leurs adeptes à avancer un peu plus sur le chemin de la connaissance.

Le jeûne est un moment de rupture. Rupture de l’alimentation mais aussi rupture de ses habitudes, du stress, de son environnement … pour permettre à autre chose d’émerger.

Nous privilégions le jeûne en groupe, qui laisse éclore l’opportunité de s’aider les uns les autres dans la difficulté et de partager les rires, les expériences ou les sentiments de bonheur. Redécouvrir cette entraide dans une phase de vulnérabilité est quelque chose de touchant qui redonne confiance dans les autres et aussi confiance en soi-même. Recevoir, donner, appartient aussi à un stage de jeûne.