Toutes les cultures ont fait une part au jeûne.

Hippocrate pronait le jeûne comme méthode de guérison. Socrate disait que le jeûne le rendait plus efficient et Pythagore imposait à ses disciples un jeûne de 40 jours avant de les accepter dans son école. Tous les grands spirituels Moïse, Jésus, Mahomet, Bouddha ont jeûné et trouvé dans le jeûne une aide dans leur développement spirituel. C’est ainsi que la religion catholique a institué le carême comme étant une période de 40 jours de jeûne en souvenir des 40 jours de jeûne que le Christ avait fait dans le désert avant sa mission. L’Islam recommande à ses fidèles de suivre le Ramadan en souvenir du jeûne du prophète. Toutes les cultures ont fait une part au jeûne que ce soit pour guérir les maladies, pour se connaître soi-même, pour entrer en contact avec l’invisible, ou même pour se préparer à des compétitions sportives.

Quels sont donc les vertus du jeûne, qui permettent son intégration dans des domaines si divers? Comment expliquer ce retour en force d’une aussi vieille tradition?

La méfiance par rapport à la médecine allopathique suscite de nouvelles approches.

Il y a environ 30 ans, dans la plupart des pays d’Occident, on a « déclaré la guerre » au cancer et il était clair qu’en l’espace d’une dizaine d’années ce petit problème de santé serait enfin résolu pour le plus grand bien de l’humanité. Malheureusement en 2016 il n’y a pas encore vraiment de solution, au contraire : les maladies de civilisations comme le cancer, les maladies cardio-vasculaires, le diabète de type II ne font qu’augmenter. Si l’espérance de vie dans nos pays a considérablement augmenté dans les dernières décennies l’espérance de vie en bonne santé n’a pas augmenté dans les mêmes proportions, l’écart entre les deux est même surprenant. On peut vivre en moyenne 79 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes mais on ne doit pas espérer vivre en bonne santé au-delà de 64 ans!!  Un autre facteur est venu aussi entamer la confiance dans la médecine, plusieurs scandales ont éclaté suite à l’utilisation de médicaments dont les effets secondaires se sont parfois révélés mortels alors que leur efficacité n’était, de plus, pas vraiment prouvée. La méfiance vis-à-vis d’une certaine médecine, coincée entre les appétits financiers des groupes pharmaceutiques et les coupes budgétaires de l’État, n’a fait que croître.

Ce n’est pas un fait nouveau. Depuis toujours les gens ont essayé d’autres méthodes lorsque la médecine n’offrait pas de solution, le jeûne étant l’une d’entre elles. C’est ainsi que les pionniers du jeûne dans nos pays ont décrit leurs expériences de guérison depuis déjà longtemps ; mais jusqu’à maintenant leurs voix avaient été étouffées par la pensée dominante, tentant de nous persuader de la toute-puissance de la médecine.

Quand en 1880 le docteur Tanner annonça qu’il allait jeûner pendant 40 jours à New York pour montrer que ce n’était ni dangereux ni infaisable, les médecins l’ont mis en garde car il n’y survivrait pas. 40 jours plus tard, après que Tanner soit toujours en vie, ils ont alors décrété que c’était un cas particulier non généralisable. Et l’expérience de Tanner a sombré dans l’oubli… Le but de Tanner était de convaincre la médecine scientifique de s’intéresser au jeûne. Il n’y parviendra pas

Un demi-siècle plus tard le naturopathe Herbert Shelton (1895-1985) va être l’un des grands propagateurs du jeûne. En se cachant des organes officiels il va superviser dans son école du jeûne – en fait une clinique de jeûne – plus de 35000 jeûnes.

Son approche est aussi scientifique que possible, compte tenu des moyens de l’époque. Il a essayé de comprendre les mécanismes à l’œuvre pendant la privation de nourriture par l’observation des très nombreux cas qu’il a supervisés. Il rapporte aussi plusieurs études faites sur des animaux morts d’inanition. (voir graphique)

Il met en lumière le fait que l’absence de nourriture ne provoque pas une déroute en pagaille de l’organisme mais une retraite en bon ordre. Ceci est une information capitale. Si les organes vitaux comme le cerveau ou le cœur sont préservés jusqu’au bout, c’est que l’organisme sait gérer le jeûne. Dans nos gènes un programme est inscrit pour survivre aux périodes de disette sans porter préjudice au fonctionnement général du corps. Le jeûne est un mode de fonctionnement normal du corps!

Malgré ses précautions pour dissimuler le fait qu’il soigne des malades, Shelton fera plusieurs séjours en prison – pour exercice illégal de la médecine –  et finira ruiné par un procès. Mais c’est de lui que s’inspireront tous les promoteurs d’une autre méthode de guérison. En particulier Albert Mosséri sera l’un de ses disciples et il créera en 1960 la « Maison de l’hygiène naturelle » en France pour divulguer la pratique du jeûne hygiéniste.

Un changement dans les mentalités s’opère dans les dernières décennies.

Dans les dernières décennies du 20ème siècle le mouvement écologique va prendre de l’ampleur. Les progrès dans la connaissance des mécanismes du vivant vont peu à peu montrer que les processus sont beaucoup plus complexes que l’on pensait et qu’il est plus raisonnable de laisser ces nombreuses interactions agir librement que d’intervenir dans des équilibres très fragiles. Ce retour au naturel va soutenir les promoteurs du jeûne.

A partir des années 1990 le jeûne va se développer en France sous l’influence du jeûne médical institué par le Docteur Büchinger en Allemagne. Contrairement au jeûne hygiéniste qui prône une diète stricte (seulement boire de l’eau) le jeûne Büchinger permet l’absorption d’un peu de jus de fruits et de jus filtré de légumes, soit un apport calorique d’environ 250 kcal (besoin journalier environ 2000 kcal.). Cette méthode plus douce mais qui apporte les mêmes bienfaits va être popularisée par les époux Bölling dans la Drôme où ils vont ouvrir un centre de jeûne pour la remise en forme. Depuis presqu’une cinquantaine de centre de jeûne se sont créés en France et accueillent par an plus de 5000 personnes. On est encore loin de la pénétration du jeûne en Allemagne. On estime à 15% le nombre de personnes ayant fait un jeûne chez nos voisins, c’est-à-dire environ 1,5 millions de personnes! Parallèlement la consommation de médicaments est deux fois plus importante en France qu’en Allemagne! Un français avale en moyenne 4 pilules par jour! Y a-t-il une corrélation entre la consommation de médicaments et la pratique du jeûne? Ou bien simplement un plus grand pragmatisme de l’autre côté du Rhin: ce qui guérit, guérit, et doit être pris en compte. Il y a deux cliniques, en Allemagne, proposant des cures de jeûne comme méthode de guérison, la clinique Büchinger et un département de l’hôpital de la Charité à Berlin. Plusieurs centaines de malades y sont soignés chaque année.

Les choses évoluent aussi en France. Il existe plus de 50 centres qui proposent des semaines de remise en forme par le jeûne et la randonnée. On estime à plus de 5000 le nombre de personnes qui jeûnent chaque année, chiffre très en dessous de la vérité car les personnes qui jeûnent par elles-mêmes ne peuvent pas être comptabilisées. Alors pourquoi ne pas essayer?